Les Artisans
Tout au long du XIXe siècle, la vie ouvrière est bouleversée par plusieurs mesures juridiques et sociales et par l’apparition du machinisme qui modifie les conditions de travail. Face à ces mutations profondes, Louis Vuitton met à l’honneur le savoir-faire et l’habileté de ses ouvriers au service d’un artisanat d’excellence.
LA VIE OUVRIÈRE
À partir du milieu du XIXe siècle, le machinisme entraîne un bouleversement dans le monde ouvrier et une certaine dévalorisation de la main-d’œuvre ; le patron recherche désormais des individus extrêmement disciplinés, plutôt que des travailleurs d’une habileté hors du commun.
L’instruction professionnelle très spécialisée est assurée par des écoles d’Arts et Métiers ou des écoles de compagnonnage, mais elle ne concerne qu’une infime partie des ouvriers, qui, pour la plupart, sont formés en apprentissage.
Au cours du XIXe siècle, le contremaître occupe une place de plus de plus importante dans l’organisation du travail. Même s’il est traditionnellement l’ouvrier le plus ancien, des qualités exceptionnelles et de bonnes relations avec le patron permettent aussi d’accéder à ce poste prisé, à l’exemple d’un ancien contremaître de l’usine Louis Vuitton : Charles Thiellement.
PARCOURS DE CHARLES THIELLEMENT
Arrivés très jeunes aux ateliers, les ouvriers sont formés aux bases du métier et peuvent évoluer. Certains font toute leur carrière chez Louis Vuitton, comme M. Charles Thiellement.
Né en 1857, il entre à 14 ans en apprentissage à Asnières pour ne plus quitter la Maison. Talentueux, Charles Thiellement gravit les échelons en passant par les différents ateliers et finit par prendre le poste de contremaître chef, aussitôt son retour de service militaire. Ce grade lui permet d’être à la tête d’une petite équipe d’ouvriers. Georges Vuitton le décrit comme l’« élève préféré de Louis […] un modèle aussi bien pour la conduite que pour le travail ».
Louis lui confie la réalisation de certaines pièces présentées lors des expositions, pour lesquelles il sera récompensé plusieurs fois en tant que « coopérateur » de la Maison :
- Médaille d’argent à l’exposition universelle d’Anvers en 1894
- Médaille d’or à l’exposition universelle de Paris en 1900
- Médaille de bronze à l’exposition maritime internationale de Bordeaux en 1907
- Diplôme d’honneur à l’exposition internationale du centenaire de Pasteur en 1927
Georges Vuitton allait faire obtenir en 1927 la Légion d’honneur à Charles Thiellement, « l’un des plus méritants des meilleurs artisans de France ».
Les Ateliers d’Asnières ont permis une importante diversification des activités de l’entreprise, constituant la condition même de son expansion.
Il est d’ailleurs important de remarquer l’évolution de la production annuelle qui est d’environ 2000 produits en 1878, et le double en 1900 et 1930. Ceci étant essentiellement des malles, bagages rigides et commandes spéciales sans compter la maroquinerie (sacs, portefeuilles, etc.). La production aujourd’hui au XXIe siècle est de plus de 5000 pièces.
L’évolution du nombre d’ouvriers est également flagrante avec 33 ouvriers en 1888, une centaine en 1900 et 1925, et 220 maroquiniers au XXIe siècle.
LA SOCIÉTÉ DE SECOURS MUTUELS VUITTON
Le 15 novembre 1891, la Maison fonde une société libre de secours mutuels pour les ouvriers de l’usine d’Asnières. Elle permet ainsi aux hommes et aux femmes de bénéficier de soins médicaux, de recevoir une indemnité maladie ainsi qu’une retraite, et de pourvoir aux frais funéraires, tout en indemnisant les veuves et orphelins.
PRÉVOYANCE ET MESURES FAMILIALES
Le premier article des statuts de la caisse Louis Vuitton affirme :
« Une Caisse de prévoyance est fondée, ayant pour but de venir en aide à tout ouvrier ou ouvrière de la Maison Louis Vuitton, se trouvant frappé d’incapacité de travail pour cause de maladie ».
La caisse prévoit un système de retraite et de pension d’invalidité, pour « tout sociétaire ayant au moins dix ans de sociétariat ».
Au 1er décembre 1908, la caisse de prévoyance devient la « Caisse Vuitton oeuvre philantropique [sic] libre » mais son dessein reste le même : « venir en aide à ses adhérents dans le cas de maladie et […] leur assurer une retraite dès qu’ils seront frappés d’incapacité de travail sans fixation d’âge ».
Après la Première Guerre mondiale, les œuvres sociales de la Maison se développent encore. Ainsi, en mars 1920, est créée une œuvre familiale qui accorde une prime de naissance, dès un an d’ancienneté, une prime d’allaitement maternel, ainsi qu’une allocation mensuelle par enfant de moins de 14 ans. Figurent là les prémices des allocations familiales. Plus encore, est fondée en décembre 1924 une consultation médicale gratuite et hebdomadaire, ouverte à tous les ouvriers et obligatoire pour les futurs apprentis.
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