Asnières-sur-Seine vers 1860

Situé au Nord-Ouest de Paris, bourgade paisible des bords de Seine, Asnières attire en 1860 les voyageurs, les promeneurs dominicaux et les amateurs de canotage, mais aussi les industriels qui convoitent son emplacement stratégique. C’est dans ce contexte d’essor économique et démographique que Louis Vuitton décide d’y installer ses ateliers en 1860.

Le nom d’Asnières apparaît dans les archives à partir du XIIIe siècle, mais son implantation remonterait à l’Antiquité. Sous Louis XV, les premières maisons de campagne sont érigées. 
Asnières devient officiellement Asnières-sur-Seine le 1er décembre 1918.

  • Couronne murale de 3 tours d’or

  • Trois fleurs de chardon, dont se nourrissaient les ânes dans la commune Asinaria, ancien nom d’Asnières signifiant haras d’ânes en latin

  • La barque, symbole de la Seine et du canotage d’Asnières

  • Deux léopards courronnés d’or, symbole des armes des comtes d’Argenson, seigneurs d’Asnières

  • Blason officiel de la ville d’Asnières-sur-Seine

    Grâce à l’extension des limites de la capitale, mais surtout au développement du chemin de fer, la commune prend peu à peu une ampleur nouvelle. La construction du pont d’Asnières en 1826 favorise grandement les échanges avec Paris (avant cette date, la population utilisait un bac). Les liaisons avec la capitale sont favorisées en 1837 par la première ligne de chemin de fer partant de Paris jusqu’à Saint-Germain-en-Laye, et dont Asnières est la première station. Les transports sont renforcés par la création d’une ligne de la Compagnie des omnibus (1870) et celle du tramway (1875).

    Paul Signac, Le Pont d’Asnières, 1888, huile sur toile, collection privée © Bridgeman Images

    Une commune révolutionnée par ses transports. Carte d’après les dessins de Mr Bringol, architecte, 1833. BNF, Paris (IFN-53035167)

    La gare d’Asnières, vers 1900 © Collection Louis Vuitton

    En 1864, il fallait dix minutes pour rejoindre Asnières depuis Paris, avec un train toutes les demi-heures. Clémence-Émilie, l’épouse de Louis Vuitton, utilisait souvent cette ligne pour se déplacer entre le magasin parisien, 4 rue Neuve-des-Capucines, près de la rue de la Paix, et les Ateliers d’Asnières. Elle profitait des trajets pour tricoter.

    Sous la Troisième République, de nombreuses infrastructures voient le jour, témoignant de l’essor de la commune :
    le fourneau municipal (1879-1880), le groupe scolaire Michelet (1891), l’institut départemental des sourds-muets (1894), dont certains pensionnaires seront employés à l’usine Vuitton.

    Grâce à sa situation sur la rive gauche de la Seine, Asnières se voit favorisée dans le domaine du tourisme. Nombreux sont les voyageurs venus profiter des joies du canotage et des bords de Seine.

    Georges Seurat, Une baignade à Asnières, huile sur toile, 1884. Londres, National Gallery © Bridgeman Images

    « Venait l’été : Anatole passait de la peinture aux plaisirs, aux joies de l’eau, à la passion parisienne du canotage. Amarré à Asnières, le canot qu’il avait acheté dans sa veine de richesse s’emplit, tous les jeudis et tous les dimanches, de cette société d’amis et d’inconnus familiers qui se regroupent autour du bateau d’un bon enfant et l’enfoncent dans l’eau jusqu’au bordage. »
    Les frères Goncourt, Manette Salomon, 1867.

    Les Vuitton, eux-mêmes, ont goûté aux plaisirs de la navigation, Georges et Gaston-Louis pratiquant la yole et profitant des guinguettes qui avaient fleuri dans les environs. 

    Cette position est également stratégique, car la Seine permet l’acheminement de marchandises ou de matières premières par voie fluviale. Ainsi, la Maison Louis Vuitton convoie par péniche, depuis la vallée de l’Oise, les stocks de bois nécessaires à la fabrication de ses malles.

    La péniche Louis Vuitton affrétant les planches de peuplier à son arrivée à Asnières, vers 1903 © Collection Louis Vuitton

    L’urbanisation au cours du XIXe siècle provoque logiquement une augmentation de l’activité locale. Ainsi s’installent « des aubergistes, des restaurateurs, des limonadiers et des constructeurs d’embarcations ». En 1901, la commune attire de plus en plus de petites entreprises et compte 570 ateliers, magasins ou boutiques.

    En 1860, année d’ouverture de l’usine Louis Vuitton, l’Annuaire du commerce Bottin-Didot dénombre 41 entreprises faisant commerce. Sont référencées des fabriques de ciment, de produits pharmaceutiques, de peinture, de bois et maçonnerie, des serruriers et même une rizerie.

    Pour Louis Vuitton, s’installer à Asnières est l’occasion de « créer son propre réseau de fournisseurs de serrurerie, corroierie, peausserie-mégisserie, bouclerie, manufactures de toiles et de coutils, bois de sciage, rivets, tôle, pointes, carton-papier, brosserie et cristallerie ».

    Séchage des planches de peuplier aux Ateliers d’Asnières, vers 1903 © Collection Louis Vuitton

    Au tournant du siècle, l’industrie métallurgique se développe considérablement avant qu’à la fin des années 1920, l’installation d’industries d’importance comme Astra (margarine) ou Chausson (carrosserie et construction automobile) contribuent à affirmer la dimension industrielle de la ville.

    Vincent Van Gogh, Usines à Asnières, 1887, huile sur toile, Philadelphie, The Barnes Foundation © Bridgeman Images

    Au XIXe siècle, la modernisation des voies de communication provoque l’augmentation rapide de la population de la ville. Ainsi le nombre d’habitants a quasiment été multiplié par cent au XIXe siècle.

    Évolution de la démographie d’Asnières-sur-Seine entre 1801 et 1901.
    Plan d’Asnières (détail), tiré d’Émile de Labédollière, Histoire des environs du Nouveau Paris, Paris, Gustave Barba, 1864

    L’activité et les habitations se concentrent alors dans les environs immédiats de la gare ainsi que sur les bords de Seine. Le quartier investi par les Vuitton est, vers 1860, encore vierge de constructions.

    Jusqu’au Second Empire, la population est en majorité ouvrière, essentiellement composée « de blanchisseurs, de laitiers, d’ouvriers des champs ». Avec les mutations que connaît la commune en fin de siècle, de nombreuses villas sont construites, accueillant désormais « tout un monde d’artistes, d’hommes de lettres et d’oisifs élégants ».

    Claude Monet, La Seine à Asnières, 1873, huile sur toile, Saint-Pétersbourg, musée de l’Hermitage © Bridgeman Images

    La ville d’Asnières compte parmi ses résidents des personnalités issues du commerce de luxe, du domaine des loisirs et des milieux intellectuel et artistique : 

    Famille Bapst
    Orfèvres-joailliers du Roi puis de l’Impératrice, la famille Bapst possède une bijouterie rue Neuve-des Capucines à partir de 1857 (proche du magasin de Louis Vuitton), et une maison à Asnières, dans la première moitié du XIXe siècle. Une rue porte désormais son nom.

    Jules Bapst (1830-1899) par Nadar © Droits réservés

    Henri Barbusse (1873-1935)
    L’écrivain voit le jour à Asnières en 1873. Une avenue porte son nom dans sa commune de naissance.

    Henri Barbusse, 1933. © FineArtImages / Leemage

    Émile Bernard (1868-1941)
    Le peintre réside dans sa jeunesse avenue de la Lauzière ; Vincent van Gogh lui a rendu visite.

    Emile Bernard, Autoportrait, 1897, huile sur toile, Amsterdam, Rijksmuseum © FineArtImages / Leemage

    Sarah Bernhardt (1844-1923)
    La célèbre tragédienne s’installe à Asnières en 1879 mais y séjourne peu. Domiciliée au 19, rue de Magenta, au « Château des Brumes », Sarah Bernhardt est cliente de la Maison.

    Sarah Bernhardt, par Nadar, vers 1870 © L’Illustration

    François Bidel (1839-1909) et Alphonse Rancy (1861-1932)
    Dompteur de lions légendaire, François Bidel habite à Asnières et participe à la vie locale. Il s’associe avec Théodore Rancy, fondateur en 1856 du cirque qui porte son nom. Le fils de Théodore, Alphonse Rancy, marié à la fille de François Bidel s’installe à Asnières avec son cirque au 13 rue de la Comète. Voisin des Vuitton, il commande à la Maison une malle pour poney en 1922. 

    Malle pour poney en toile Monogram, Commande du Cirque Rancy, 1922 © Collection Louis Vuitton.

    Ernest Daltroff (1870-1941)
    Le parfumeur rachète la parfumerie Emilia et fonde la Maison Caron ; il réside en partie avenue de la Lauzière, proche du quartier de la gare.

    Portrait d’Ernest Daltroff, [Non daté] © Droits réservés

    Charles Lecocq (1832-1918)
    Compositeur d’opérettes, opéras-bouffes et opéras-comiques. il achète une maison rue de Nanterre en 1887.

    Charles Lecocq, par Pierre Petit [Non daté] © Archives-Zephyr / Leemage

    Thérésa (1837-1913)
    Vedette du café-concert parisien, elle est surnommée « la muse de la voyoucratie » et la « diva du ruisseau », en raison de ses origines modestes. Elle est considérée comme l’une des artistes à qui l’on doit la naissance de l’Industrie du spectacle en France. Elle réside à Asnières, rue Denis Papin vers 1888. 

    Thérésa en costume de scène, 1889-1890 © Franck, Paris, Bibliothèque Marguerite Durand / Roger-Viollet